Musical work | Composer | Date of performances | City | Company | |
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Rigoletto | Verdi | 14/12/2017 - 16/01/2018 | London | Royal Opera House | View performance details |
" Rigoletto ", c’est une longue tradition au Royal Opera House : en effet, à peine créé à La Fenice de Venise le 11 mars 1851, il y est déjà, première grande " sortie "mondiale, dès le 14 mai 1853. Il y est chez lui ! Comme partout d’ailleurs puisque " Rigoletto "est toujours dans le " top ten ", comme on dit, des œuvres lyriques les plus produites, les plus représentées all over the world (523 productions et 2285 représentations entre 2011 et 2016).
A juste titre, en termes d’émotions intenses partagées – ce que je viens de vérifier à Londres quinze jours après Liège. L’œuvre est absolument efficace – et il n’y a rien de restrictif ou d’ironique dans cet adjectif.
Grâce d’abord au livret que Francesco Maria Piave a conçu d’après " Le Roi s’amuse "de Victor Hugo. A Mantoue, le Duc ne cesse de multiplier les conquêtes, faisant fi de toutes les convenances, éliminant les membres de sa cour dont les compagnes sont à son goût compulsif A ses côtés, redoutable avec les armes lourdes de son humour dévastateur, un bouffon difforme, Rigoletto. Un Rigoletto dont les victimes décident de se venger. L’engrenage tragique se met en branle. Le bossu claudiquant a un secret : Gilda, sa fille chérie. Le hasard lui a fait rencontrer le Duc, déguisé. Elle a été séduite, immédiatement. Quiproquo. Elle est enlevée par ceux-là qui pensent qu’elle est la maîtresse de Rigoletto. Elle est confiée " au bon plaisir "du Duc. Fureur désespérée de Rigoletto. Vengeance. Mais la jeune fille amoureuse, bien qu’elle ait été confrontée à l’ignominie de son séducteur, se sacrifie pour lui. Douleur incommensurable du bouffon tragique, définitivement maudit !
La malédiction ! Celle qu’a jetée sur Rigoletto un mari condamné. Elle est le leitmotive de l’œuvre. Obsessionnelle d’abord, concrétisée ensuite. Verdi a fait sien le magnifique matériau mis à sa disposition. " Rigoletto "est devenu une partition riche en atmosphères, des plus tendres aux plus orageuses, aux plus désespérées. Il est surtout devenu un véritable florilège d’airs célèbres. Ecouter une seule fois " Rigoletto ", c’est les voir inscrits en soi, toujours immédiatement reconnus ensuite.
On l’aura compris, c’est un vrai bonheur pour ses interprètes, un vrai défi aussi dans la mesure où leurs partitions sont très directement proportionnelles aux déferlements des sentiments. A Covent Garden, ils ont répondu aux attentes. Mettons en exergue aussi la présence sur le plateau de quelques excellents " débutants "" cocoonés "par un " Jette Parker Young Artists Programme "désireux de donner les meilleures conditions d’éclosion à leurs talents. Alexander Joel confère à l’ensemble vocal et orchestral la cohésion qui convient.
La mise en scène ? C’est celle de David McVicar, créée en 2001 et déjà reprise sept fois au ROH. Elle ne prétend pas bousculer l’oeuvre. Il est vrai que, contrairement à Michael Mayer qui installait Mantoue dans un casino de Las Vegas ou Robert Carsen qui le transportait dans un cirque, nous restons bien dans des lieux " traditionnels ", quoique revisités. Cette Mantoue-là est une Mantoue qui s’effondre. Des gravats occupent les côtés du plateau, le palais et les demeures, témoins de sinistres orgies, sont à l’abandon. Les murs reflètent la décadence des mœurs. L’animalité règne. A l’exception d’un rayon de lumière, Gilda. Mais la malédiction est fatale.
Stéphane Gilbart
(photo Mark Douet)