En 1905 à sa création, La Mer provoqua chez les fervents admirateurs de Debussy une certaine déception. On y attendait les couleurs « impressionnistes » des délicates et évanescentes évocations maritimes de Pelléas, on y trouva une fermeté des traits et une densité fauve des couleurs. C’est en Bourgogne, à Bichain, que Debussy avait commencé son travail deux ans auparavant : « Vous me direz à cela que l’Océan ne baigne pas précisément les coteaux bourguignons… ! […] Mais j’ai d’innombrables souvenirs ; cela vaut mieux en mon sens, qu’une réalité dont le charme pèse généralement trop lourd sur votre pensée » écrira-t-il alors à André Messager. Un travail d’atelier, donc, et non sur le motif, qui cherche à rendre l’essence même de la mer, son perpétuel devenir plutôt que son pittoresque humide. Cherchant à approcher en somme l’essence même de l’élément marin, son devenir permanent, ses eaux toujours changeantes et sa prodigieuse faculté de métamorphose, Debussy signait avec ce chef-d’œuvre un véritable poème de l’immanence.
Ses poèmes symphoniques comme Zarathustra donnent l’idée d’un Strauss exclusivement romantique et moderniste, mais c’est oublier que l’auteur du Chevalier à la rose fut un grand admirateur du classicisme et de Mozart en particulier. En témoigne ce Concerto pour hautbois, qui, à la fin de sa vie et après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, regarde en un sursaut de l’esprit pour abolir les horreurs du temps vers le classicisme heureux et serein du xviiie siècle comme vers un paradis perdu.