Operabase Home
Deildu

Umsagnir um fyrri framleiðslu

2
La Traviata, Verdi
D: Pierre Thirion-Vallet
C: Amaury du CloselCyril EnglebertBarthélémy Martin
La Traviata épurée de Pierre Thirion-Vallet à Clermont-Ferrand

Le mérite de cette Traviata en tournée en France dans une dizaine de villes après Clermont-Ferrand est bien de ne pas avoir été dévoyée par une mise en scène oiseuse au pire parasite. La tentation est toujours grande de vouloir prêter à l’œuvre plus que le compositeur n’en fait dire à sa musique qui se suffit à elle-même. Celle-ci, de par la progression dramatique d’une syntaxe extrêmement dense et sans faiblesse, soutenue par une rhétorique implacable, n'appelle pas des déploiements scénographiques extravagants et un travestissement de l’espace qui alourdiraient le propos. On pourrait dire que la mise en scène de Pierre Thirion-Vallet va à l’essentiel et nous ravit tant son dépouillement touche à l’épure. Car c’est précisément dans ce refus d’une démonstrativité d’artifice que se situe son propos : solliciter l’attention en suscitant la réflexion, dire que l’apparente sobriété ou nudité va bien au-delà des évidences supposées. C’est aussi prendre le risque de ne pas être compris dans une société du spectacle nourrie d’effets spéciaux où la complaisance tient lieu d’argumentaire. Thirion-Vallet soutient son propos verticalement, face à un immense paravent où les espaces entre les panneaux ne laissent entrevoir qu’un horizon obscurci. Dans les décors sans fioriture mais dialectiquement et incontestablement architecturés de Frank Aracil, sous les lumières de la magicienne Catherine Reverseau, il dresse ainsi la possibilité d’une nuit opaque, d’un néant ouvrant sur un vide. On baigne sur l’absence d’une révélation, d’un absolu qui ne viendront pas ou si peu si ce n’est fugacement et par bribes tout juste dévoilées. Quand l’écran se referme, apparaît la terrible prédiction « Amore e morte », titre initial de La Traviata qui rappelle la sentence biblique « Compté, pesé, divisé » tracée par une main mystérieuse sur les murs du Palais de Balthazar à Babylone. La main est celle d’un double fantomatique de Violetta, double qui va la suivre tout au long du drame. Dans l’incapacité d’atteindre l'inaccessible mot « amour », elle ne peut que caresser celui de « mort » à sa hauteur… Funeste et omniprésente destinée, que la performance d’Erminie Blondel semble pouvoir écarter jusqu’à l’ultime échéance tant son charisme nous persuade que tout est encore possible. Le miracle est aussi que la soprano soit parvenue à conjurer le sort, puisqu’elle était annoncée souffrante en lever de rideau ! Sa Violetta, émouvante de sincérité et d’une puissance tragédienne impressionnante, reste au plus près des défis verdiens. Elle sait être éloquente tout en demeurant humaine (« In me rinasce, m’agita insolito vigor »), d’une lumineuse fragilité amoureuse dotée d’un souffle long et tenu dans l’extrême aigu. Elle vit à fleur de peau la fièvre qui la consume notamment dans la cabalette de l’acte I et donne corps à la beauté intérieure de son personnage dans toute la dignité qui sied à son martyre (« Amami Alfredo »). Belle figure également que celle offerte sans compter par Matthieu Justine, Alfredo saisissant d’engagement et de vérité. Faisant preuve d'une maîtrise exemplaire de la demi-teinte et de la nuance, cet élégant ténor aux dynamiques racées équilibre idéalement virtuosité et pugnacité dramatique. Il forme avec Erminie Blondel un duo d’une complémentaire plasticité. Mais s’agissant de couple, d’un strict point de vue de la connivence des esthétiques et d’un rapport psychologique qui rallie les suffrages, on le trouve entre la chanteuse et Jiwon Song. Le baryton coréen, familier de la scène clermontoise où il a triomphé à de nombreuses reprises, n’a pas à forcer son talent pour offrir à son Germont couleur, force et une justesse d’articulation qui n’a d’égale que la persuasion musicienne de son émission (« No, non udrai, rimproveri »). Côté chœurs (Jeune Chœur d’Auvergne et Chœur Opéra Nomade), l’enthousiasme est là mais la cohérence fait parfois défaut. Légère impréparation dont paraît également pâtir l’Orchestre Les Métamorphoses d’un Barthélémy Martin pourtant motivé, reléguant heureusement au second plan le sentiment d’assister plus à une générale qu’à une première.

Lestu meira
23 janúar 2023bachtrack.comRoland Duclos
Lucia di Lammermoor, Donizetti
D: Pierre Thirion-Vallet
C: Amaury du Closel
Lucia di Lammermoor lève le voile à l'Opéra de Clermont-Ferrand

Comment ne pas songer immédiatement à Lucia dans ce lever de rideau sur l'image d'un corps de femme fragmentée offerte en pâture, soumise aux regards, affichée sur une procession de colonnes Morris occupant toute la largeur de la scène de l'Opéra de Clermont ? Totems dressés d'un unique décor, ils portent sa chair morcelée comme des offrandes propitiatoires. Ils interpellent et provoquent. Ils rythment l'espace comme un obsédant leitmotiv jusqu'à leur écroulement final. <i>Lucia di Lammermoor</i> à lOpéra-Théâtre de Clermont-Ferrand © Yann Cabello Lucia di Lammermoor à l'Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand © Yann Cabello Lucia, innocente vierge traquée par une société décadente et sans scrupule, est mise en joue par son propre frère et les sbires de celui-ci. Sa nudité triomphante et terrible situerait-elle d'emblée les enjeux de la dramaturgie et du sort inexorable réservé à l'héroïne ? La réponse s'élabore dans un long et patient processus de maturation et de réflexion auquel devra se soumettre le spectateur tout au long de la mise en scène exigeante dans son dépouillement. Autant dire que Pierre Thirion-Vallet choisit la voie la plus escarpée pour gravir ce sommet de l'art lyrique. Sa dramaturgie loin de s'appuyer sur les trompeuses évidences du livret va au contraire les détourner imperceptiblement. Notamment à travers une apparente concession aux conventions du théâtre en costumes qui n'est en fait qu'un prétexte à fonder son discours. <i>Lucia di Lammermoor</i> à lOpéra-Théâtre de Clermont-Ferrand © Yann Cabello Lucia di Lammermoor à l'Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand © Yann Cabello Le léger déplacement du compteur temporel vers la fin d'un hypothétique XIXe siècle n'est au mieux qu'un relatif artifice, marqueur de la déliquescence d'un système sociétal à bout de souffle. Dans leur coupe et leurs teintes aux fadeurs compassées, fracs, jaquettes, crinolines et hauts-de-forme confèrent aux protagonistes les allures empruntées et sans grâce de marionnettes sorties tout droit du placard aux accessoires. Nous ne serions à notre insu que les jouets de conventions obsolètes dont trop de lectures souvent par trop convenues de l'ouvrage en seraient le reflet. Dans l'acte III, Lucia en appelle non seulement à l'amour d'Edgardo après leur violente rupture : elle en convoque l'apparition fantomatique et glaçante de distance. Après le meurtre, l'héroïne est dépouillée de sa robe immaculée et révèle alors des vêtements tachés de sang. Comment ne pas y voir les preuves d'une union consommée contre son gré qui l'aurait alors poussée au meurtre de l'époux honni ? La mise en scène n'en dit rien explicitement mais laisse planer le doute. Loin de l'innocente victime sacrifiée, Lucia rendue à sa féminité n'en est que plus attachante. Le profil vocal de la soprano coréenne Heera Bae s'accorde à cette vision d'une humanité retrouvée. Elle redevient l'amoureuse meurtrie et trahie qu'un lyrico spinto de colibri a tendance à faire oublier. Ce qui ne nuit nullement à des aigus tendrement pianissimo dans la scène de la fontaine. <i>Lucia di Lammermoor</i> à lOpéra-Théâtre de Clermont-Ferrand © Yann Cabello Lucia di Lammermoor à l'Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand © Yann Cabello En réponse, si l'on en croit la tradition, l'éloquent et incontestable Edgardo de Ragaa Eldin renoue avec le mythe de l'opéra pour ténor, inaugurée par Duprez à la création. Après le vibrant échange « Ah! Verranno a te sull'aure » avec Lucia, son long monologue final « Tombe degli avi miei » est un sommet belcantiste d'agilité et de vigueur, d'héroïsme et de rigueur dans l'émission et la projection. Jiwon Song, Enrico implacable de tension, doit en appeler à toute l'autorité de son timbre pour affronter sans faillir Ragaa Eldin et soutenir l'éclatant Wolferag comme il déploie toute la fureur d'une exemplaire diction sur « Cruda, funesta smania ». Le Raimondo de Federico Benetti est exact au rendez-vous de « Della stanze ove Lucia », son moment de gloire. Les autres rôles qui pour être seconds n'en sont pas moins cruciaux légitiment cette distribution équilibrée qu'illustre la belle performance du Chœur Opéra Nomade. La clef de voûte de cette Lucia ? L'Orchestre Les Métamorphoses ! Amaury du Closel en fait et l'épicentre du drame, et l'âme sensible, et la colonne vertébrale des tensions : une direction vigilante et éclairante, toujours à l'écoute des solistes mais surtout réceptif et fin traducteur d'une partition redoutablement exigeante en ce qu'elle ne pardonne aucune faiblesse.

Lestu meira
16 október 2021bachtrack.comRoland Duclos