Inspiré du fameux (et scandaleux) Manon Lescaut publié quelque 150 ans auparavant par l’Abbé Prévost, Manon, opéra-comique en cinq actes, remporta, dès sa création à Paris en 1884, un succès public qui ne s’est jamais démenti : l’héroïne de Jules Massenet ne tarda pas à s’imposer, aux côtés de la Carmen de Bizet, parmi les plus populaires du répertoire lyrique français. Il est vrai que la destinée contrariée de Manon et de son infortuné soupirant, le Chevalier des Grieux, cruelle et bouleversante, est le prétexte idéal à une débauche d’airs de toute beauté, à travers lesquels Massenet s’impose comme l’« historien musical de l’âme féminine », selon le mot de Debussy... Après une première rencontre pour Pelléas et Mélisande en 2007, Marc Minkowski retrouve Olivier Py dans cette production créée à Genève en 2016, dans un décor d’hôtels borgnes et de néons crus : portée par un duo de chanteurs superlatif – la soprano américaine Nadine Sierra, nouvelle superstar du chant lyrique, et l’époustouflant ténor Benjamin Bernheim –, Manon redevient ici une héroïne tragiquement moderne, qui, comme Lulu, rêve de conquérir un monde qui la rejette.