RHAPSODY / DÉMONS ET MERVEILLES by Vasilyevich Rachmaninoff, Thiriet, čet. 06 okt. 2022, Od (2022/2022), Dirigent Léonard Ganvert

Rhapsody est un ballet qui fascine par la manière dont Oscar Araiz distribue le mouvement. On se souvient de son Adagietto qui hypnotisait le spectateur avec ses ralentis. Ici, le chorégraphe suit un schéma plus accidentel. Le ballet s’apparente à un jeu de billes où les sphères, emportées par les notes de Rachmaninov, roulent lentement sur le sol puis s’entrechoquent dans un déploiement chaotique. Rhapsody est un lancer de dés. Si l’on parvient à percevoir le mouvement initial qui déclenche la séquence chorégraphique, la suite est un jeu de hasard. Pour le chorégraphe : « Rhapsody est un jeu d’énergies, tel qu’il peut être ressenti autour d’une table de jeu, ou dans les relations des différents timbres d’un orchestre.Il y a toujours un coordonnateur de ces énergies : un croupier, un chef, mais le facteur externe, la fortune, le hasard, a également son rôle à jouer ». Dès le lever de rideau, les danseurs sont alignés face à un personnage central qui assigne à chacun un mouvement comme s’il distribuait des cartes. Puis les artistes suivent leurs destins et la chorégraphie naît sous nos yeux au gré de cercles et de diagonales qui se forment pour se désagréger aussitôt. Rhapsody joue subtilement avec le hasard et donne l’impression troublante que le mouvement n’est ni tout à fait aléatoire ni tout à fait circonscrit. Inspiré du film Les Visiteurs du soir, réalisé par Marcel Carné en 1942, Démons et Merveilles associe l’univers de la Danse à celui du cinéma pour nous plonger dans l’ambiance d’un plateau de tournage. Julien Guérin, qui signe là sa première pièce pour le Ballet Nice Méditerranée en 2019, a transposé les amours médiévales de Gilles et Anne dans les années 40, période à laquelle Carné et Prévert auraient souhaité situer l’action de leur film si la censure de Vichy ne les en avait pas empêchés. Démons et Merveilles nous invite ainsi à revivre les mésaventures du Baron Hugues et ses hôtes, en proie à la tentation depuis que les serviteurs du Diable, Gilles et Dominique, ont fait leur apparition. Chez Julien Guérin, le mouvement suit toujours les émotions, tantôt harmonieuses, tantôt conflictuelles, mais toujours incarnées avec une sincérité et une qualité d’exécution qui caractérisent son style. S’appuyant sur une base académique solide, le chorégraphe assume une élégance classique intemporelle et emprunte sans complexes les chemins de traverse qui mènent au contemporain.