Quand, en 1733, le plus brillant esprit de son temps, Voltaire, s’associe le plus grand compositeur, Rameau, pour mener à bien une ambitieuse réforme de l’art lyrique, cela donne l’opéra biblique Samson. Mais jugé sulfureux, le livret est censuré et la partition, perdue – reprise par bribes incertaines dans des ouvrages ultérieurs. Hantés par ce projet singulier devenu l’une des plus belles chimères de l’histoire de l’opéra, Claus Guth et Raphaël Pichon ont voulu non pas en reconstituer la lettre mais en recréer l’esprit : associer un récit d’une force et d’une noblesse inédites à la plus éloquente des musiques. Samson est l’élu de Dieu mais son pouvoir extraordinaire l’isole autant qu’il le distingue : une suite d’amours trompeuses va le retourner en pulsion destructrice, faisant de l’Hercule biblique le premier suicidé meurtrier de masse. Entourant Jarrett Ott, Jacquelyn Stucker et Lea Desandre dans les rôles principaux, le chœur et l’orchestre Pygmalion deviennent les acteurs à part entière d’une fresque sublime, extraordinairement actuelle.