Il prigioniero, Dallapiccola
Ce dernier (Levent Bakirci) se trouve bien évidemment au centre de la pièce et de la torture psychologique, montrant les hauts et les bas traversés en un instant par un homme brisé à cause du simple Fratello vicieux prononcé par son geôlier.
Sur scène, triomphe absolu pour le Prisonnier de Levent Bakirci, dont le séduisant baryton fait couler tout un flot de legato, ne tombant jamais dans le piège du parlé chanté.
Le nozze di Figaro, Mozart
Autre enfant du pays, Anaïs Constans confirme, après Pamina, son rang de mozartienne. D’entrée, ce soprano impeccablement timbré convient à Suzanne : l’assise d’un médium charnel n’empêche pas la lumière du registre aigu, le grave ne fait pas défaut, avec cela des phrases fermes et flexibles, la précision dans les ensembles, une langue nette. La sicilienne au jardin, avec sa juste pulsation d’andantino (merci au chef), charme par sa tenue musicale, par une simplicité érotique dans sa clarté, peu communes en vérité. Le jeu (en scène comme avec les mots) attend d’être plus libre ou moins convenu, mais Mozart s’entend tout entier.
La Bohème, Puccini
Vannina Santoni est une magnifique Mimi. Avec sa grande voix lyrique au médium plein, aux graves solides et à l’aigu péremptoire, elle donne moins à voir la fragilité de l’héroïne qu’une sorte de dignité tragique transcendant la destinée de la cousette poitrinaire. Distribuer une soprano de ce type dans le rôle, c’est lui éviter d’emblée toute mièvrerie. Doté d’une voix solaire, le ténor arménien Liparit Avetisyan - pour Kévin Amiel initialement annoncé - aborde Rodolfo avec autant de facilité que de netteté, sans exagérer la corde sentimentale, et il négocie chaque phrase avec beaucoup de naturel. Bien que puissante et superbement projetée, la voix est capable de superbes demi-teintes dans les airs « Che gelida manina » ou « O Mimi tu piu non torni ». De son côté, le baryton russe Mikhaïl Timoshenko campe un Marcello à la fois lyrique et puissant, toujours soucieux de faire vivre un personnage complexe. La pétillante Marie Perbost joue Musetta avec beaucoup de chien, mais son éclat n’est pas seulement scénique, sa voix fraîche possédant toute souplesse et le brillant requis. Le Schaunard chaleureux d’Edwin Fardini et le Colline superlatif de Julien Véronèse (qui nous a accordé récemment une interview) complètent un quatuor de bohèmes particulièrement crédibles. Enfin, le Chœur et la Maîtrise maison font grande impression par leur tenue.
La rondine, Puccini
l’élégante Aurélie Ligerot (Bianca) au médium chaud et charnu
La forza del destino, Verdi
(…) le Don Alvaro du ténor franco-tunisien Amadi Lagha qui renouvelle le choc de son Calaf toulonnais il y a deux ans. En plus de posséder un timbre particulièrement flatteur, il offre un organe parmi les plus puissants que nous ayons jamais entendus, avec des aigus d’une incroyable insolence, sans obérer la ligne de chant, et il nous prouve dans son fameux air « La vita è inferno all’infelice » qu’il est aussi capable de nuances et de demi-teintes.
Amadi Lagha, qui incarne Don Alvaro, est un ténor à la voix claire et vaillante (spinto), sonore de part en part, pour ce rôle qui sollicite partout la plus grande étendue, de même que toute la gamme dynamique (du triple piano au triple forte) qu'il assure avec facilité. Le timbre solaire est pleinement Italien et se marie à une prononciation modèle du texte. Le rôle est incarné dans la richesse de ses situations expressives, et passions contrastées, assumées de la tendresse à l’expression torturée des passions contradictoires (culpabilité, amitié, compassion, amour propre blessé) dans les deux grandes scènes de duos (duels métaphoriques) avec Don Carlos. L'interprète investit beaucoup d’émotion dans l’unique très bel air (bien que méconnu), O tu che in seno agli angeli, ainsi que dans le remarquable trio final. Sa prestation est saluée par le meilleur accueil du public au salut final.